Si l'exposition de Christophe Cartier au Musée Paul Delouvrier à Evry n'est pas une rétrospective, elle regroupe néanmoins un ensemble d'oeuvres réalisées depuis 2007 qui semble non pas résumer une pratique mais identifier une prise directe avec la peinture que Cartier ne cesse de développer depuis une trentaine d'années.
Le propos semble ici très ténu : vingt toiles de format 100 figure, qui encadrent un triptyque insolemment titré Nymphéas.
Au delà de l'ombre par trop imposante et tutélaire de l'impressionnisme, ce serait plutôt du côté de Motherwell ou de Hantaï que nous pourrions regarder ce travail, nous remémorant la technique du coup de fouet et de l'éclaboussure pour le premier et le trajet du pinceau qui n'atteint que les parties convexes du pli pour le deuxième.
Une peinture d'effets de matière et de superpositions poussés à l'extrême, abondamment mais précisément vernissée afin de rendre la toile très brillante, en constante réverbération .
Cartier se mesure à la peinture, à son histoire (mais sans passer par la citation), comme avec l'abstraction et la figuration. Il se considère comme un peintre abstrait et si des éléments figuratifs intègrent fugitivement la composition (soleil, reflet, horizon) c'est strictement d'un point de vue formel. Il est d'ailleurs intéressant à ce sujet de connaître le parcours du peintre qui n'a eu de cesse que de regarder du côté de la photographie et de la pratiquer, pour en constater presque physiquement la nature indicielle; à cet égard ses peintures-scanachromes du début des années 90 relevaient de cette fascination entretenue de la représentation d'un réel « peint » en vue panoramique.
De cette peinture en prise avec la photographie, résultent, entre autres, des points de vue et des plans très serrés ou panoramiques de motifs, un nuancier chromatique élaboré qui provoquent pour reprendre les termes du texte d'Estelle Pagès du catalogue édité à l'occasion de l'exposition « ... une jubilation rétinienne sans réel haut ni bas, sans centre ni périphérie ... ».
L'oeuvre de Christophe Cartier s'approprie un rythme gestuel quasi obsessionnel intrinsèque à cette peinture, signe d'un abandon total d'un corps porté vers l'espace-tableau.
L'on pourrait regretter que dans l'espace d'exposition ne soient visibles que peu de dessins tous intitulés « automatic », efficaces contrepoints appuyant une appétence du trait et de ses circonvolutions sur papier, seuils d'un monde aux singulières et innombrables ramifications.
Claire Nédellec, Texte artpress Evry / Christophe Cartier Musée Paul Delouvrier 6 au 28 octobre 2012