Foisonnement des couleurs, récurrence des formes rondes, infiniment petit ou infiniment grand, la représentation créative de Christophe Cartier est cosmique. Cet artiste, diplômé des Beaux-Arts mène une carrière féconde entre la peinture, le dessin et la photographie. Après avoir travaillé comme journaliste reporter, il se consacre à sa pratique artistique depuis 1985.
Série, diptyque, triptyque, reflet, recopie, empreinte, Christophe Cartier cherche avec une volonté de relecture de son travail, à découvrir la cause de cette quête artistique forte qui nous entraîne à regarder ses toiles comme autant de petits cailloux déposés sur un chemin qu'il parcourt avec le talent de celui qui s'interroge. Avec lui je découvre le scanachrome : transfert photo mécanique, marouflé sur toile. Ce procédé entraîne une déperdition de la matière, une façon d'aller à l'essentiel, de découvrir sous les couches de peintures une empreinte, une ombre, le désir premier qui a initié l'œuvre. La recopie, au crayon, en reflet comme dans la série Narcisse, lui permet de faire apparaître des éléments qu'on ne voyait pas, brusquement mis en relief par la réinterprétation. L'œil devient tactile selon son expression, poétique et si parlante de ce regard qui va toucher la toile, en découvrir les effets de matières et sa disparition, son gommage.

Dans son atelier clair où il n'y a guère de place pour poser les pieds, traces de peintures et de colle retenant nos pas au cœur même de ce qui nous occupe aujourd'hui, je le questionne...

Vous considérez-vous proche d'un mouvement ? Non, on ne peut pas dire qu'il y ait encore de mouvement. Le dernier c'est la Figuration Libre dans les années 80. Aujourd'hui tout est accepté. Beaucoup d'artistes utilisent plusieurs médias à la fois, il y a une grande liberté, on peut tout faire, tout utiliser.

Comment expliquez-vous ce désir de s'inscrire dans des séries ?

C'est la manière dont je fonctionne. Un tableau m'amène souvent à un autre. J'ai toujours eu le sentiment qu'on ne pouvait pas faire aboutir quelque chose. Le tableau, si je le continuais, je l'effacerais complètement à force de travailler dessus, donc je m'arrête et je repars sur un autre mais j'ai en mémoire le précédent et donc ça fait une série. Ce n'est pas forcément volontaire et pensé.

Pourquoi une série s'arrête-t-elle ?

Quand je n'ai plus la force de la continuer. L'épuisement de l'idée ou du bonhomme ! Un poète disait (John Keats peut-être ? ndlr) : « on ne finit pas un poème, on l'abandonne ». Toute œuvre est abandonnée parce qu'on pourrait toujours aller plus loin. Elle n'est jamais finie mais à un moment donné, elle s'arrête. Est-ce qu'elle est aboutie ? Je ne sais pas. C'est une sorte d'insatisfaction de faire des séries. Quand je suis dedans, je creuse le sillon à fond.

Quelle est votre intention en tant que peintre ?

C'est une de mes raisons de vivre. J'ai la chance d'avoir une passion. C'est l'intention de faire un tableau, de le mettre en scène, de le vendre si il plaît.

Quels sont vos outils de travail ?

Des pinceaux, des rouleaux, je travaille en grande partie au sol. J'utilise beaucoup de papiers colorés ; je travaille sur la transparence de ce papier sur lequel des couleurs sont disposées. Je colle, je recolle sur la toile.

Pourquoi tant de grands formats ?

Je suis plus à l'aise. J'aime bien travailler à ma surface d'échelle, un format dans lequel mon corps peut s'inscrire. Je me sens toujours limité sur un seul cadre, c'est peut-être pour ça que je fais des séries, des diptyques ou des triptyques.

Qu'est-ce que le dessin vous apporte par rapport à la peinture ?

C'est une autre expérience qui est plus contemplative. Ce n'est pas loin du dessin automatique : des ronds qui se répètent, qui s'agrandissent, qui se rapetissent, qui donnent naissance à des formes. Il y a une immersion dans le temps du dessin.
Dans la peinture je travaille par phases successives. Le dessin est plus spontané mais lent. Je peux dessiner sans penser alors que je ne peux pas peindre sans penser.

A quand votre désir de peindre remonte-t-il ?

J'ai eu un choc. Je devais avoir 13 ans, la peinture m'intéressait, et un jour en Italie avec mes parents, on est tombé sur une exposition d'art contemporain. Il s'agissait d'une rétrospective du peintre Mattia Moreni (1920-1999). C'est de là que vient sûrement mon idée de série car j'étais très impressionné, il travaillait juste d'après l'idée de la pastèque. Au début il représentait la pastèque de façon figurative puis plus ça allait, plus ses pastèques se transformaient complètement, devenaient presque des organes sexuels féminins. J'ai vu comment il transformait son objet principal de travail au cours des années pour en faire autre chose. Ça m'a fortement influencé. Ce que j'aime chez les artistes, c'est leur parcours. J'aime celui de Van Gogh, celui de Malaval, plus qu'une œuvre en particulier.
Mais « La nuit étoilée » de Van Gogh m'a énormément marqué : voilà pourquoi mon travail sur les étoiles. J'ai fait une série photo d'arbres la nuit où l'on voit les étoiles qui tournent tout autour.

Christophe Cartier
Atelier: 19 allée Marc Chagall, Paris 75013
www.christophecartier.com
Co-fondateur du site www.visuelimage.com, qui comporte une galerie virtuelle d'une vingtaine d'artistes, l'actualité des expositions mise à jour quotidiennement et le billet chaque semaine de Jean-Luc Chalumeau, critique d'art.

Mon musée imaginaire
Robert Malaval, (1937-1980)
Jean Messagier (1920-1999)
Christian Bonnefoi (1948-)
Ross Bleckner (1949-)
Terry Winters (1949-)
Per Kirkeby (1938-)
Günther Förg (1952-)

Reportage Fanny LASSERRE pour Sub Yu Magazine